COLLOQUE DE

L'ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DE DROIT COMPARÉ

" Dans la foulée des réformes municipales "

 

 

Société d’économie mixte au Québec

- Quelques réflexions - Une courte histoire

 

 

Me Louise Beaulieu

Beaulieu, Vallée

 

 


le 20 avril 2001

Hôtel Marriott Château Champlain, Montréal


 

Commencées à l’été 1993, les discussions entourant la possibilité de réaliser un projet consistant dans la mise sur pied d’une entreprise à caractère mixte dans le secteur municipal aboutirent finalement à l’adoption de trois projets de loi d’intérêt privé au printemps de 1994. Un quatrième projet sera adopté au printemps 1995. À l’automne de la même année, un avant-projet de loi était déposé à l’Assemblée nationale et en juin 1997 une loi-cadre était adoptée couvrant le secteur municipal.

En trois ans on est passé d’une absence de législation dans ce domaine à la mise en place d’un cadre légal général couvrant à tout le moins le secteur municipal. La période d’essai n’a pas duré longtemps, de manière presque exceptionnelle le législateur a rapidement indiqué la voie commune, de fait il a devancé l’évolution réelle des mentalités. (Introduction des acétates)

Quels étaient les principaux obstacles à la mise en commun des trois composantes (capital - recherche et développement - savoir-faire) ?

- l’interdiction pour une municipalité de prendre une participation financière dans une entreprise à caractère industriel ou commercial (réf. à la Loi sur l’interdiction des subventions municipales, L.R.Q., c. I-15);

- la rigidité du processus d’appel d’offres et les problèmes engendrés par l’obligation d’octroyer un contrat de service public sur la base d’un critère quasi unique: le prix;

- et dans une moindre mesure, la durée limitée des contrats de service public.

 

Évolution du cadre légal depuis 1993

De nombreuses modifications législatives ont été adoptées qui reflètent une actualisation des pratiques, sinon une modernisation, en généralisant ce qui était accepté dans le cas de certains projets seulement, par l’adoption de loi d’intérêt privé ou par autorisation ministérielle.

C’est ainsi qu’on ne compte plus les exceptions à l’interdiction des subventions municipales aux entreprises industrielles ou commerciales. L’introduction d’un système de pondération et d’évaluation des offres permet de tenir compte de la qualité, de la quantité, de l’expérience et de la capacité financière, ce qui déborde largement la question du prix. Certaines modifications législatives d’application plus limitée ont également été adoptées.

 

De quelques difficultés de l’entreprise mixte

Malgré la mise en place d’un cadre légal, les partenaires demeurent méfiants. À cela, plusieurs causes: l’évolution ou le changement de mentalité ne s’opère pas si rapidement, une forme d’entreprise ne représente pas une formule magique de règlement de conflits ou de financement de projet.

La façon de faire de chacun des partenaires est profondément inscrite dans leur pratique, il n’est pas évident pour l’un et l’autre de réaliser qu’ils devront partager des informations, des décisions, des bons coups et des moins bons. Le secteur public pense à la prochaine élection, le secteur privé pense à l’amortissement des immobilisations, le calendrier de planification n’est donc pas le même, les priorités non plus.

La société d’économie mixte est une société à but lucratif, des profits doivent être dégagés des opérations. Les administrateurs du secteur public n’ont pas toujours l’expérience des opéra-tions commerciales, ils peuvent ambitionner des réductions de taxes ou de tarifs. Dans le finan-cement traditionnel des travaux municipaux, une fois le règlement d’emprunt adopté on ne pose pas souvent de questions sur la qualité de la gestion. Dans une société d’économie mixte, la qualité de la gestion et son efficacité sont en perpétuel questionnement.

Pour les administrateurs du secteur privé, il pourra sembler lourd, fastidieux et donc coûteux de fonctionner dans une formule d’entreprise où la prise de décision est plus lente parce qu’elle requiert par exemple des approbations ou des transmissions de documents supplémentaires. Cette formule ne se prête pas au profit rapide, le simple contrat de gestion est beaucoup plus intéressant, surtout lorsque la concurrence est absente.

Le cadre légal et les conditions générales de réalisation sont différents dans les autres secteurs (secteur scolaire - les grandes entreprises publics - les ministères responsables de travaux d’équipements ou d’infrastructures) ce qui donnent des expériences de partenariat également fort différentes dont plusieurs sont en cours et d’autres sont annoncées. Contrairement au secteur municipal, ces projets ne nécessitent pas à tout coup des modifications législatives et encore moins l’adoption d’une loi-cadre pour permettre leur réalisation. La recherche de collaboration entre le public et le privé est l’une des façons de faire et devant les difficultés nom-breuses de la mise sur pied et du fonctionnement d’une véritable entreprise mixte, il apparaît qu’il est plutôt tentant pour les administrateurs publics de tout confier au secteur privé, d’envisager carrément la privatisation pure et simple.